Je vais vous raconter l’histoire d’un client qui m’a marqué et dont la problématique était atypique. Nous sommes en 2015 au moment des faits. Il est 19 h 30 et mon agence est fermée depuis 30 minutes. Je suis en train de faire du sport quand je reçois un appel sur mon portable d’un homme à la voix fluette qui me demande des renseignements pour offrir un coaching look complet à « une amie ».
J’essaie d’obtenir davantage d’information sur la demande de « l’amie » et puis là, à ma grande surprise, la personne me dit que c’est pour lui, qu’il souhaite faire un coaching look femme, autrement dit, un homme voulait que je lui crée sa garde-robe de femme.
Ma première réaction fut de lui dire que je n’avais jamais eu cette demande et que je n’étais pas sûr d’avoir les compétences. La franchise est un conseil que je donne très souvent (mais pas l’excès de franchise).
En effet, j’ai été confronté à deux idées dans mon esprit. L’une, pragmatique, j’ai imaginé un homme d’1m90 et 90 kg, ce qui veut dire hors-norme et donc difficile de trouver des tenues de femmes. L’autre était de savoir si j’étais capable de me projeter en magasin pour femmes, d’y rentrer avec un homme, de prendre des vêtements femmes, d’aller en cabine et de le voir ressortir avec une robe.
Il, ou plutôt de son surnom Sophie a semblé déçue, d’autant que 5 ans auparavant elle avait hésité à me contacter. Aussi, je lui ai dit que j’allais réfléchir à sa demande et revenir vers elle dès le lendemain. En effet, je n’aime pas prendre de décision à chaud, et l’obligation de résultat est dans mes gênes, donc, il fallait que j’évalue si j’étais capable de satisfaire sa demande. Avant de raccrocher je lui demandais son gabarit. Sophie faisait une taille 44 pour les hauts et 40 en bas. Me voici rassuré, elle peut s’habiller dans des magasins standards.
Après réflexion et discussion avec ma collègue, je décide de relever le challenge et lui fixe un rendez-vous. Je n’ai pas demandé de supplément pour cette demande atypique car je me sentais capable de pleinement satisfaire Sophie dans le cadre de ma prestation sur 1 journée.
Le jour du rendez-vous, je me demandais si Sophie allait arriver en tenue masculine ou féminine. J’ai été agréablement surpris en voyant une femme de 50 ans environ, élégante en robe jaune pastel, maquillée, coiffée d’une perruque discrète.
Je me suis détendu, maîtrisant mes émotions (merci mes compétences développées dans le cadre des formations que je dispense sur l’intelligence émotionnelle) car croyez-moi, cette demande n’est pas ma zone de confort.
Sophie est un homme qui se sent femme depuis tout petit, d’une génération où l’intolérance était majoritaire pour les personnes comme elle. Je me mettais à sa place et ressentais cette profonde tristesse mais aussi cet espoir que je suscitais en elle. L’objectif étant de refaire sa garde-robe femme, nous sommes partis en magasins. Ce fut une expérience extraordinaire car, au fur et à mesure que nous avons essayé les tenues, je sentais sa confiance et une joie sincère apparaître. J’essayais de rester dans ce qui me semblait un look portable au quotidien afin, car c’est le risque, de ne pas tomber dans la vulgarité.
J’observais les vendeuses, qui, me connaissant pour la plupart et qui hésitaient entre le jugement moqueur de cet homme qui s’habillait en femme, et le respect d’avoir le courage de faire ce qu’il faisait. Je crois aussi que pour certaines, je suis apparu plus humain, moins business, mais tout cela n’est que de la perception liée aux croyances…
Pour ma part, je me suis senti à l’aise, dans mon élément, avec ce sentiment de bien-être quand vous faîtes du bien aux autres. Vous savez le même sentiment que, lorsque vous offrez un cadeau à un enfant qui fait son bonheur.
Nous sommes partis ensuite chez mon coiffeur. Sophie me précisa qu’elle portait une perruque, car elle manquait d’épaisseur de cheveux et n’avait pas assez de longueur. Avec mon coiffeur, nous étions certains que l’objectif profond recherché était d’avoir un bon résultat sans la perruque et nous avons poursuivi cet objectif qui a réussi à être atteint.
Depuis, je croise régulièrement Sophie au salon de coiffure et c’est une grande joie de voir son épanouissement et les bonnes nouvelles qui venaient avec puisqu’elle venait d’obtenir son changement d’identité début 2017 la dernière fois que je l’ai vu.
Ma conclusion après avoir effectué ce rendez-vous était que peu importe les difficultés que m’imposaient mes clients, qu’à partir du moment où il y a une vraie motivation de leurs parts, je devais accepter leurs demandes. Et quelle joie de les rendre heureux…